Les grandeurs
Au commencement était l’ addition : ajouter c’est rassembler dans un même ensemble des objets considérés comme identiques et interchangeables. exemple : j'ai 15 billes, j'en gagne 7, combien ai-je de billes ? Il n'est pas nécessaire de poser une addition pour résoudre ce problème, le comptage est la première méthode de calcul. Tous les objets ne sont pas facilement manipulables ( car trop lourds, volumineux, éloignés ... ), on les remplace d’abord par d’autres séries d'objets ( doigts, cailloux, dessins, symboles ...). Au final on fait abstraction des objets pour additionner directement les nombres (symboles). On peut suivre la même démarche avec la soustraction , c’est à dire fabriquer une opération sur les nombres à partir d’opérations sur les objets (enlever, soustraire, éliminer, diminuer, perdre … ).
Nous pensons que des grandeurs physiques ont leur place dans l'enseignement des mathématiques. Longueurs, aires et volumes relèvent de la géométrie. Pourquoi exclure masses, durées, vitesses, débits, masses volumiques sous le vain prétexte qu'ils relèvent de la Physique ? A moins qu'on estime que les calculs mettant en jeu des grandeurs physiques posent des problèmes délicats qu'il est bien agréable de confier au physicien. Ce serait, dans ce cas, chercher un refuge confortable dans une rigueur mathématique fallacieuse et glacée. Mais le confort serait-il alors pour l'élève ou pour le professeur ? APMEP MOTS Tome VI (1982)
L’arithmétique des troupeaux
1°) ‘‘ Les nombres de ’’
2°) Les grandeurs additives
3°) L’algèbre des grandeurs
Les situations et les questions évoluent et c’est là que les problèmes arrivent : exemple 1 : Aujourd'hui, j'ai perdu 9 billes, il ne m'en reste plus que 3. J'en avais combien ce matin ? exemple 2 : Au jeu de l’oie, Catherine lance son dé et recule de 5 cases. Elle arrive alors sur la case 17. De quelle case est-elle partie ? exemple 3 : Ce matin, Jean avait 12 images. Son papa lui en donne un paquet. Maintenant, Jean a 17 images. Combien son papa lui en a-t-il donné ? Ces trois exemples font partie des problèmes qui provoquent le plus grand nombre d’échecs car l’opération décrite dans l’énoncé est l’inverse de l’opération à effectuer sur les nombres. Comme il n’est pas possible de les séparer en problèmes d’additions et problèmes de soustractions, on les regroupe dans le bloc-additif .
Avant de démarrer la transhumance on regroupe les troupeaux. Combien font 1 troupeau + 1 troupeau  ? Au retour, chacun récupère son troupeau. Combien font 1 troupeau - 1 troupeau ?
I l n’existe pas un sens des opérations inné comme le sens de l’équilibre par exemple. La   résolution   de   problèmes     est   un   long   processus   d’apprentissage,   plus   ou   moins   rapide   selon   les personnes,   qui   s’appuie   sur   les   grandeurs   qui   nous   servent   d’intermédiaires   dans   la   connaissance du monde qui nous entoure. C’est un processus qui se déroule en trois grandes étapes.
Les mathématiques de la rue Dans une recherche menée au Brésil, Schliemann et ses collègues (1998) ont proposé divers pro - blèmes à des « enfants de la rue » de 12 ans environ qui n’avaient ja - mais été scolarisés mais qui ma - niaient quotidiennement de l’argent pour exercer des petits commerces. Avec ces jeunes gens, lorsque l’on propose le problème : «  Quel est le prix de 3 objets à 50 cruzeiros l’un ?  » le taux de réussite est de 75 %. Or, lorsqu’on propose aux mêmes jeunes gens, le problème : «  Quel est le prix de 50 objets à 3 cruzeiros l’un  ?  », le taux de réussite est de 0 % !
La multiplication entre un nombre entier et une grandeur mesurée, reste une addition répétée. 5 cm + 5 cm + 5 cm = 3 x 5 cm = 5 cm x 3 = 15 cm On retrouve les trois problèmes types précédents : - Quelle est la distance parcourue en faisant 3 tours d’une piste de 400 m ? - Combien de tours d’une piste de 400 m, faut-il faire pour parcourir 1200 m ? - Si je parcours 1 200 m en 3 tours de piste, quelle est la longueur de la piste ? Il devient possible de diviser un nombre par un diviseur plus grand que lui, tout d'abord par l'utilisation des conversions, puis progressivement par l'introduction des nombres décimaux.
4°) Les mathématiques modernes
Les    objets    sont    rarement    identiques.    Pour    les    différencier    on    compare    leurs grandeurs.   Pour   ces   deux   éprouvettes   par   exemple,     on   peut   mesurer   des   dimensions (   la   hauteur   d’eau,   le   diamètre   de   l’éprouvette   ),   des   quantités   (   le     volume   ou   la masse de l’eau ), les températures de l’eau … Les mesures s’expriment comme un nombre d’unités : 5 cm, 28 cl, 17° … Si   on   transvase   les   quantités   d’eau   dans   la   même   éprouvette,   les   hauteurs   d’eau   ne s’ajoutent   que   si   les   diamètres   sont   égaux,   les   températures   malheureusement   ne s’ajoutent   pas   (   on   ne   peut   pas   bouillir   de   l’eau   en   versant   une   casserole   à   40   °   dans une autre à 60° ), les volumes, eux, sont compatibles avec la somme des liquides. On peut additionner leur mesure 28 cl + 22 cl, on effectue le calcul sur les nombres 28 + 22 = 50 . Les opérations sont ainsi déclinées dans quatre mondes imbriqués : - le monde physique - les grandeurs - les grandeurs mesurées - les nombres mathématiques
EXERCICE Combien de fois peut-on soustraire 8 de 93, et combien reste-t-il à la fin ?
LE BLOC MULTIPLICATIF :
Ici encore, 3 grandeurs en relation génèrent 3 problèmes différents : - Combien faut-il de joueurs pour faire 4 équipes de basket de 5 joueurs chacune ? - Combien d'équipes de basket de 5 joueurs peut-on faire dans une classe de 20 élèves ? - Je répartis 20 élèves en 5 équipes, combien y aura-t-il de joueurs dans chaque équipe ? Le premier problème permet d’introduire la multiplication comme une addition répétée. 5 joueurs + 5 joueurs + 5 joueurs + 5 joueurs = 4 x 5 joueurs = 20 joueurs Dans le deuxième problème, on peut procéder par additions répétées jusqu'à arriver à 20. 5 joueurs + 5 joueurs + 5 joueurs + 5 joueurs = 20 joueurs Dans le troisième problème, l'addition " 5 équipes + 5 équipes + 5 équipes + 5 équipes " n'a pas de sens. On peut procéder par essais successifs : si j'en mets 3 par équipe, il m'en faut 5 x 3 joueurs = 15 joueurs , je peux en mettre plus, j'essaie 4 ...etc. C’est la base de l’algorithme utilisé en France pour la division posée. C’est ce même algorithme qui servira pour le deuxième problème quand les nombres grandiront.
Nous avons vu que l’on peut additionner ou soustraire des grandeurs et les multiplier ou les diviser par un nombre entier. Mais on ne peut additionner que des grandeurs   homogènes   ou   de   même   dimension,   c’est-à-dire   qui   utilisent les mêmes unités . On peut effectuer 3 m + 8 m , mais il est impossible de faire 3 m + 5 kg. De   la   même   façon,   on   a   considéré   pendant   des   siècles   qu’il   était   impossible   de   multiplier deux grandeurs hétérogènes : ‘‘En multipliant des heures , on ne peut pas obtenir des mètres .’’ Pierre Varignon est le premier à oser calculer avec des grandeurs non homogènes. Le 5 juillet 1698, à l'Académie des sciences, il définit la vitesse comme le rapport d'une longueur sur un temps. Tout d'un coup, la vitesse devient une grandeur physique. Cela marque la véritable naissance d’une algèbre des grandeurs dont les relations se décrivent à l’aide de formules respectant les « équations aux dimensions » en référence au système métrique . Les élèves de collège peuvent ainsi rencontrer : des grandeurs quotients : des rapports : quotient de deux grandeurs homogènes des grandeurs produits Aire d’un rectangle = longueur x largeur = 5 m x 3 m = 15 m²
LE BLOC MULTIPLICATIF :
L’enseignement des problèmes additifs ne s’arrête pas à l’école primaire. Des nouvelles situations et des grandeurs en plus grand nombre, augmentent la difficulté. Il devient souhaitable de proposer des notations et des représentations efficaces. Voici une sélection de problèmes additifs proposés en 6ème.
Les conversions : 3 min = 3 x 60 s = 180 s
Ce paquet de 8 yaourts coûte 2 €. Quel est le prix d’un yaourt ?
Attention ce diagramme est faux car 3 min x 60 = 180 min
On peut calculer avec des grandeurs sans les mesurer.
Quel est le plus grand des rectangles, le rouge ou le bleu ?
GRANDEUR (Mathématique) Voilà un de ces mots dont tout le monde croit avoir une idée nette, et qu'il est pourtant difficile de bien définir. Ne serait-ce pas parce que l'idée que ce mot renferme, est plus simple que les idées par lesquelles on peut entreprendre de l'expliquer ? D'Alembert- L’Encyclopédie
«  Aujourd’hui, la science mathématique s’est largement affranchie de la question des grandeurs. Théoriquement, les mathématiques peuvent donc à la fois se transmettre et se développer sans référence à la notion de grandeur. En mathématiques, on ne travaille pas sur les grandeurs (c’est l’objet d’autres disciplines, comme la physique, la technologie, les sciences de la vie et de la Terre ou la géographie et l’économie par exemple), mais avec les grandeurs ou à partir d’elles. En mathématiques, on travaille dans le domaine des nombres  ». Programme de 3e. Place des grandeurs dans l’enseignement des mathématiques au collège.
Ce point de vue ne fait pas l’unanimité chez les mathématiciens.
Ces formules se prêtent aux transformations algébriques indépendamment des unités. si alors et si alors et
Elles sont entièrement reconstruites à partir des entiers, de la théorie des ensembles infinis de Cantor et de la logique formelle. Le recours à l'intuition géométrique ou physique est banni. La notion de grandeur est renvoyée au domaine de la physique, même les considérations de mouvement ou de temps sont exclues. Ce changement consommera le divorce entre les mathématiques « modernes » et la physique .
Le XIX éme siècle est l'âge d'or des mathématiques portées par les sciences physiques : cinématique, optique, acoustique, chaleur, électricité, magnétisme …. Les applications se développent rapidement dans tous les domaines, laissant croire que la science peut tout. Beaucoup de propriétés sont considérées comme allant de soi, la justification s’obtient a posteriori, par les succès obtenus. Cet édifice est progressivement ébranlé par l'apparition des géométries   non-euclidiennes et des phénomènes pathologiques liés à l'infini . Il devenait urgent de refonder les mathématiques pour retrouver la rigueur.
En 1970 en France, c’est cette Mathématique Moderne destinée à des mathématiciens professionnels qui est imposée à tous les élèves de la maternelle à l’université. Face à l’échec, le programme de 1978 réintroduit la géométrie et les grandeurs à l’école élémentaire et au collège, mais pas à n’importe quelle place :
Les largeurs, hauteurs, épaisseurs et profon- deurs, ont la dimension d’une longueur. Evitez cependant de dire en classe : « une largeur est une longueur ».
Exemple
A la première question, beaucoup répondent 17 cl en lisant la hauteur de l’objet. Pour la deuxième, beaucoup calculent 39 cl - 22 cl
La confusion entre ces différents mondes est une source d’erreurs importante.
Extrait
A la foire Un homme achète un cheval pour 600 € puis le revend 700 €. Il le rachète plus tard pour 800 et le revend 900 €. Combien a-t-il gagné d’argent ?