A partir de la rentrée 1969, une vague de mathématiques nouvelles déferle sur l'école. Elles se proclament modernes : «  L’ambition d’un tel enseignement n’est plus essentiellement de préparer les élèves à la vie active en leur faisant acquérir des techniques de résolution de problèmes suggérés par la vie courante  mais de leur donner les moyens de s'adapter à un monde en rapide évolution. ». Les contenus, totalement modifiés, veulent être l’exemple de la rigueur. Ils initient à la logique formelle à travers la théorie des ensembles et évacuent tout ce qui relève de l’intuition. La géométrie est repoussée en 4ème, les grandeurs disparaissent. Pour Lichnerowicz « la réforme doit aussi être démocratique, c’est à l’école de faire que les enfants atteignent les mêmes performances en compensant les différences d’origine sociale ». Pour la première fois, tous les élèves de collège quel que soit leur type d'établissement ( lycée, CES ou CEG ) suivent le même le programme, les mathématiques doivent ouvrir un chemin accessible à tous vers l'abstraction, en place du latin et du grec alors réservés à des privilégiés.
L'argument aura son importance dans le climat français où souffle encore l'esprit de mai 68.
Une réforme ratée puis occultée, parenthèse trauMATHisante qui marque encore l'enseignement des mathématiques en France.
D'abord succès de curiosité, la réforme devient un grand moment de la vie culturelle. La presse applaudit, on ne peut plus ignorer les mathématiques. Fleurissent les Mathématiques pour maman et les Mathématiques pour papa ( plus difficiles évidement ). La télévision diffuse des cours du CNAM (Extraits)
L’échec Pendant deux ans le charme opère, mais très vite le décalage entre les idées fondatrices et la réalité des classes devient évident. Chez les enseignants d'abord. Poussés par une hiérarchie zélée, ils se retrouvent en première ligne pour enseigner des mathématiques qu'ils ne connaissaient pas encore il y a quelques mois. Les stages de recyclage et autres formations n'y font rien, au contraire, ils y apprennent que les mathématiques qu’ils pratiquent depuis toujours sont illégitimes et le vivent comme une remise en cause de leur compétence.
Les premières critiques publiques proviennent des physiciens, mais aussi de certains mathématiciens promoteurs de la réforme. Ils dénoncent le caractère trop abstrait de l'enseignement des mathématiques qui se réduit à l’ apprentissage d’un symbolisme pour décrire des situations souvent abracadabrantes.
Une vision prémonitoire
La fin Les remous continueront jusqu’en 1978 est appliqué un nouveau   programme qui fait table rase du passé. La géométrie y retrouve un aspect plus classique, tout ce qui rappelle trop les maths modernes est effacé : bases, ensembles, relations d'équivalences, bijection, groupes, définition de la droite affine …, mais les grandeurs restent toujours interdites. Toutefois, le rôle des mathématiques n'est pas remis en cause. La filière C devient la plus prestigieuse : l'horaire hebdomadaire de mathématiques est de 5 heures en seconde, de 7 heures en première et de 8 heures en terminale. Elle permet toutes les orientations. Les mathématiques ont remplacé le grec et le latin pour sélectionner les élites.
En 1971, le nouveau programme de 4ème met le feu aux poudres, en particulier la nouvelle géométrie de 4ème, sans cercles et sans angles droits. Ce n’est qu’en classe de 3ème que les élèves disposent des outils mathématiques permettant du rendre compte du monde physique. La presse commence à brûler ce qu'elle avait soutenu. Le Canard Enchaîné publie la fameuse définition de la droite affine . À l’Assemblée nationale, plusieurs députés interpellent le ministre Olivier Guichard sur les mathématiques modernes . Mais la fronde gagne aussi l'intérieur de la commission Lichnerowicz. En 1973, l’APMEP lance une pétition auprès des professeurs de mathématiques pour réclamer des aménagements. Des allégements sont décidés, qui permettront de détendre l’atmosphère. De plus en plus isolé, André Lichnerowicz remet sa démission.
A partir de là, la réforme est occultée comme une période honteuse que l'on voudrait oublier, la parenthèse est fermée. Pas de débat, aucun bilan, les médias passent à autre chose. … jusqu’en 2013
La Réforme des Maths Modernes